Focus sur… ACE FREHLEY : le Spaceman venu du Bronx

Maxime Lhuilier
il y a 6 jours
5 min de lecture

Quand il enfile pour la première fois son costume argenté, trace une étoile noire autour de son œil et allume les effets pyrotechniques de sa guitare, Paul Daniel Frehley devient officiellement Ace Frehley, le “Spaceman” de KISS. Mais avant d’atterrir sur scène au milieu d’explosions de fumée et d’étincelles, Ace venait d’un endroit bien plus terre à terre : le Bronx.

Les débuts : un gamin du Bronx qui rêvait de décoller

Né le 27 avril 1951, Ace grandit dans une famille modeste de New York. Son père, musicien amateur, lui transmet le goût du son, mais c’est la rue qui lui forge son caractère. Il traîne avec des bandes, se bat souvent, et admettra plus tard :

« J’étais déjà un peu cinglé avant KISS. Le groupe m’a juste donné une façon plus flamboyante de l’exprimer. »

Adolescent, il tombe amoureux d’une Gibson Les Paul qu’il ne peut pas se payer. Il en rêve jour et nuit. Et quand il en décroche enfin une, il la garde à vie : “C’est comme la bonne femme — quand tu la trouves, tu ne la lâches plus.”

L’ascension : quand le Spaceman rencontre Gene et Paul

En 1973, Ace répond à une annonce dans le Village Voice. Le texte promet : “Groupe rock professionnel cherche guitariste avec du style et une présence scénique”. Il débarque à l’audition en baskets orange fluo et une guitare sous le bras.Paul Stanley et Gene Simmons se souviennent encore du choc visuel — et sonore. En quelques riffs, Frehley décroche le poste.

De là naît KISS, le groupe le plus spectaculaire des années 70. Les quatre masques, quatre personnalités : The Demon (Gene Simmons), The Starchild (Paul Stanley), The Catman (Peter Criss)… et The Spaceman (Ace Frehley).Ace crée lui-même son maquillage, inspiré de la science-fiction qu’il adore. Il voulait un personnage venu d’ailleurs, littéralement.

Le son Frehley : instinct et électricité pure

Ace n’est pas un guitar hero au sens classique. Il ne joue pas pour impressionner, mais pour faire vibrer. Son jeu est direct, brut, chargé de feeling.

“Tout ce que je faisais, c’était monter l’ampli sur 10 et jouer à fond. Devant un mur de Marshall, rien ne sonne mieux.”

Son style influencera une génération entière de musiciens — Slash, Dimebag Darrell ou Dave Grohl citeront tous Frehley comme inspiration. Il est aussi l’un des premiers à introduire sur scène une guitare fumante, un effet qu’il bricolait lui-même à l’aide de cartouches pyrotechniques intégrées dans la caisse. Un jour, une charge explose trop tôt… Ace se brûle légèrement le bras et répond en riant :

“Je suppose que je suis allé trop près du soleil.”

Le jour où il a failli mourir sur scène

En décembre 1976, à Lakeland en Floride, Ace descend les marches métalliques de la scène, sa guitare à la main. Au moment de poser le pied sur le sol, un courant électrique traverse son corps. Il s’effondre, paralysé.Le public croit à une mise en scène. Il se relève péniblement, blanc comme un linge, et termine le concert. De cet accident naîtra la chanson “Shock Me”, qu’il chantera lui-même pour la première fois — un morceau aujourd’hui culte.

Le triomphe solo et la descente

En 1978, chaque membre de KISS sort un album solo. Contre toute attente, c’est celui d’Ace Frehley qui cartonne. Son single “New York Groove” devient un tube mondial, symbole de son attachement à sa ville natale. Il avouera plus tard :

“Je voulais que les gens sentent ce que c’était que de marcher dans les rues du Bronx, guitare à la main.”

Mais derrière les paillettes, le Spaceman perd pied. L’alcool et la drogue deviennent des compagnons de route. Les tensions avec Gene et Paul explosent. Ace quitte KISS en 1982.

“Ils disent que j’ai été viré, mais c’est faux. Les deux fois, c’est moi qui suis parti.”

L’homme derrière le masque

Loin des stades, Ace tente de se reconstruire. Il fonde le Frehley’s Comet, sort plusieurs albums en solo et continue d’attirer un public fidèle.Mais le démon n’est jamais loin. Il confie :

“J’ai touché le fond plus d’une fois. Mais je me suis toujours relevé.”

Lorsqu’il revient avec Space Invader en 2014, le monde découvre un Frehley apaisé, sobre, mais toujours aussi flamboyant. L’album se hisse dans le Top 10 du Billboard, une première pour un membre solo de KISS.

Chutes, rechutes et renaissance

Les années 80 et 90 seront un véritable rollercoaster pour Frehley. Entre accidents de voiture, problèmes judiciaires et séjours en désintox, il devient malgré lui une figure du rock “maudit”.Mais le Spaceman a plusieurs vies : sobre depuis les années 2000, il publie plusieurs albums solos acclamés (Anomaly, Space Invader, Spaceman), prouvant qu’il n’a rien perdu de sa magie.⁸

En 1996, il retrouve KISS pour une tournée mondiale avec les membres originaux — maquillage, costumes et tout le reste. Sur scène, le public scande son nom : “ACE! ACE! ACE!” ll dira plus tard :

“C’était comme rentrer à la maison… mais avec des extraterrestres.”⁹

L’anecdote qui résume tout

Un jour, il vend sa mythique Les Paul de 1959, achetée 4000 $, pour financer… un week-end de jeu à Atlantic City.

“C’est mon plus grand regret,” avouera-t-il plus tard. “Mais bon, c’est ça Ace Frehley : j’ai toujours joué avec le feu.”

Et puis, il y a cette vidéo culte, tournée dans les années 80, où il donne une leçon sur “comment détruire une chambre d’hôtel”. Téléviseur par la fenêtre, canapé dans la piscine… Une vraie masterclass de chaos rock’n’roll.

L’héritage du Spaceman

Aujourd’hui encore, Ace Frehley inspire des générations entières de guitaristes.Slash (Guns N’ Roses) l’a souvent cité comme l’un de ses modèles absolus, tout comme Dimebag Darrell ou Dave Grohl. Sa Les Paul Custom argentée, ses solos planants et son sens du spectacle font de lui l’un des guitar heroes les plus singuliers du rock.

Ace Frehley est décédé le 16 octobre 2025, à l’âge de 74 ans.

Selon sa famille, il s’est éteint paisiblement à Morristown (New Jersey), entouré de ses proches, après une chute à son domicile ayant entraîné des complications médicales.

Malgré les conflits récurrents avec Gene Simmons et Paul Stanley, Ace reste fidèle à son image : un mec du Bronx qui a vu les étoiles et qui en est revenu sans jamais redescendre tout à fait.

🎧 Pour aller plus loin

Albums à (re)découvrir :
- KISS – Love Gun (1977)
- KISS – Alive II (1977)
- Ace Frehley (1978, album solo)
- Frehley’s Comet (1987)
- Space Invader (2014)
À écouter absolument :
- “Shock Me”
- “New York Groove”
- “Cold Gin”
- “Rip It Out”
- “Rock Soldiers”